Les cancers de la peau
Partie 3 - Causes et facteurs du mélanome
Le soleil, oui mais pas que
À la lecture de ces généralités et contrairement à ce qui est souvent dit par simplification, le mélanome n’est pas seulement lié à l’exposition au soleil. Il est évident qu’il existe des facteurs génétiques prédisposant, mais à part le phototype ils sont mal connus. Il existe sûrement d’autres causes favorisantes, mais elles sont également mal étudiées.
Officiellement vous lirez dans les documents des agences de santé que les principaux facteurs favorisant les mélanomes sont :
- les caractéristiques physiques (peau claire, cheveux roux ou blonds, yeux clairs, nombreuses éphélides, sensibilité particulière au soleil, nombre élevé de nævi),
- les facteurs environnementaux et/ou comportementaux liés à l’exposition solaire et aux ultraviolets artificiels,
- les antécédents personnels de cancers cutanés ou familiaux de mélanome
- L’immunodépression
Pour les peaux claires, ça ne fait aucun doute comme le montrent les statistiques américaines citées ci-dessus.
Les antécédents familiaux ou les situations rares et particulières d’immunodépression sont des facteurs de risques de tous les cancers. Attention, on parle ici d’immunodépression grave et non pas juste de sensibilité aux infections hivernales.
En résumé, ce sont des facteurs de risques sur lesquels on ne peut absolument pas agir.
Le seul critère qui dépend de notre mode de vie serait donc l’exposition au soleil et aux UV artificiels et c’est bien pour cela qu’on nous inonde de messages de prévention à ce sujet.
Oui, mais ce n’est pas si simple ni même si évident.
Comme on le verra plus loin, l’exposition au soleil est sans aucun doute la principale cause du carcinome basocellulaire.
Mais pour le mélanome c’est différent. En effet, il n’y a pas plus de mélanomes chez les marins-pêcheurs ou toute autre profession qui passe son temps au soleil. Par ailleurs, le risque de mélanome n’augmente pas avec l’âge et donc le temps d’exposition.
Au contraire, le mélanome est un cancer de l’adulte jeune. Le pic se situe entre 40 et 50 ans et on trouve régulièrement des mélanomes avant 30 ans.
Je ne veux pas sous-estimer le risque de l’exposition au soleil, bien au contraire. Mais l’âge de survenue et les localisations particulières (comme la voute plantaire) montrent que la cause n’est pas juste une exposition excessive.
De plus en plus de scientifiques le confirment. Surtout que l’épidémiologie nous interpelle. Ce cancer est plus fréquent au nord des États-Unis qu’au sud, en Europe du Nord comme au Danemark, qu’en Espagne. On attribue évidemment ce gradient à la pigmentation plus claire de la peau des Scandinaves. Mais ce n’est pas si simple. En France, les Bretons sont davantage touchés par le mélanome que les habitants de la région PACA. Question d’hygiène de vie ou d’exposition brutale au soleil pendant les vacances alors que le reste de l’année la peau n’est pas habituée au soleil dans la moitié nord de la France ? Autre élément allant dans ce sens : le mélanome est plutôt une maladie de citadin !
Il peut donc y avoir d’autres facteurs de risque encore mal étudiés. Certains ne sont pas souvent cités par les médias et sont peu connus des médecins, mais une étude au Danemark a montré que les personnes traitées par l’antihypertenseur diurétique thiazidique « hydrochlorothiazide » (très fréquemment prescrit en France) auraient un risque accru de développer certains cancers de la peau comme le basocellulaire (1) . Pour le mélanome ce n’est pas significatif, mais cela montre bien que des facteurs autres que le soleil impactent le risque de cancers cutanés en général.
C’est le cas de l’obésité qui a prouvé, comme dans bien d’autres cancers, son impact sur le risque de mélanome. Des chercheurs de l’INSERM ont montré que les adipocytes issus de sujets obèses orchestrent la progression tumorale en réduisant de façon importante l’expression d’un suppresseur de tumeur − la protéine p16 − dans les cellules de mélanome ! (2)
L’obésité est ainsi associée à une progression plus rapide des mélanomes !
Cela dit, pour beaucoup de chercheurs, le mélanome résulterait non pas d’une exposition fréquente aux radiations, mais d’une exposition intermittente durant l’enfance. Ainsi, l’analyse de la population immigrant en Australie le suggère : si l’immigration a lieu avant l’âge de 10 ans, le risque est maximal. De même, plusieurs études montrent un risque double chez les enfants et les adolescents ayant eu de fréquents coups de soleil.
Ce qu'il faut retenir
- Facteurs : physiques (peau claire, nombreux naevus), génétiques/familiaux, immunodépression, exposition UV intermittente (enfance).
- Soleil : pas unique cause ; pas plus chez les professions exposées ; plus chez citadins/nordiques.
- Autres risques : obésité (accélère progression), certains médicaments (hydrochlorothiazide).
- Une exposition brutale en enfance double le risque via coups de soleil.
1 - Pottegård A. et coll. Hydrochlorothiazide use and risk of non-melanoma skin cancer: A nationwide case-control study from Denmark. J Am Acad Dermatol. 2017 Dec 4. pii: S0190-9622(17)32741-X.
2 -
Lazar et coll et coll. Adipocyte extracellular vesicles decrease p16 INK4A in melanoma : an additional link between obesity and cancer. J Invest Dermatol, édition en ligne du 9 février 2022. DOI : 10.1016/j.jid.2022.01.026
Pour aller plus loin
Ces conseils n’ont pas vocation à remplacer une consultation médicale. Ils peuvent vous aider à mieux dialoguer avec votre médecin afin de faciliter le diagnostic et les choix thérapeutiques.
Ils peuvent éventuellement vous permettre d’attendre le rendez-vous avec votre médecin si les délais sont un peu longs.