La Phytothérapie

PARTIE 1:
HISTORIQUE ET GÉNÉRALITÉS

Sommaire :

La médecine la plus ancienne tuée par la chimie

L’utilisation des plantes pour soigner et soulager est sûrement une des plus vieilles « médecines » du monde. Les premières traces connues remontent à 5000 ans av. J.-C. et le premier texte connu sur la médecine par les plantes est gravé sur une tablette d’argile, rédigé par les Sumériens en caractères cunéiformes 3000 ans av. J.-C.

Mais il y a fort à parier que les premiers hommes ont vite repéré des plantes qui pouvaient les soulager ou les soigner. Même les chimpanzés savent utiliser des plantes « thérapeutiques ».

Depuis, tous les grands noms de la médecine ont étudié et utilisé des plantes pour soigner leurs contemporains. Le grand Hippocrate (460-377 av. J.-C.) considéré comme le père de la médecine « moderne » réalise des observations cliniques avec plus de 380 plantes médicinales. Aristote (384-322 av. J.-C.) théorise la notion de totum des plantes qui deviendra ensuite le principe fondamental de la phytothérapie. Puis Galien (129-201), considéré comme le père de la pharmacie, s’intéresse lui aussi aux plantes qui sont la base de la pharmacopée de l’époque.

Plus proche de nous, la célèbre Hildegarde de Bingen (1098-1179), rédige plusieurs ouvrages sur les propriétés des plantes médicinales. Nous continuons encore aujourd’hui à nous référer à ses travaux. Évidemment, les plantes sont utilisées sur tous les continents. On cite souvent comme référence Avicenne (980-1037), un médecin perse qui fonda l’école de médecine d’Ispahan, ou Ibn Al-Baytar (1197-1298), auteur d’un “Traité des simples” regroupant 1 400 plantes médicinales.

Ensuite il faut citer Aurélien Théophraste Bombast von Hohenheim, alias Paracelse (1493-1541), illustre médecin suisse à qui l’on attribue la célèbre citation : « Tout est poison, rien n’est poison : c’est la dose qui fait le poison », et que l’on considère comme “le père de la toxicologie”.

Évidemment, la médecine reste très hésitante en ce milieu du 2e millénaire et les médecins qui s’illustrent pratiquent la saignée ou d’autres méthodes aux effets aléatoires. Heureusement, ceux qui savent utiliser les plantes ont de bien meilleurs résultats.

Malheureusement, cette « phytothérapie » comme on finit par l’appeler va payer le prix fort à l’arrivée de la chimie, mais aussi de l’industrie pharmaceutique.

En effet, avec les progrès en chimie et en pharmacologie, on cherche à comprendre comment agissent ces plantes utilisées depuis des millénaires. Cela part d’un bon sentiment : mieux comprendre la pharmacologie des plantes pour rendre ces traitements plus efficaces.

On arrive parfois à isoler des principes actifs particuliers des plantes comme la quinine du quinquina, mais dans de très nombreux cas, force est de constater que le totum de la plante est bien plus efficace que le principe actif isolé.

Car la plupart des plantes sont un mélange de nombreux principes actifs qui agissent ensemble et font que la plante entière est plus efficace, mais aussi mieux adaptée à la physiologie humaine.

Tout cela ne fait pas l’affaire des industriels qui aimeraient bien gagner de l’argent en distribuant des médicaments issus des plantes. Oui, mais voilà, la nature en général et les plantes en particulier ne sont pas brevetables. Donc les études sur les plantes peuvent être reprises par tous les laboratoires et impossible d’avoir le monopole d’une plante.

Par contre, si on arrive à breveter une molécule issue de cette plante ou, mieux encore, un produit « chimique » unique provenant d’une modification d’une molécule naturelle, alors on peut déposer un brevet et avoir l’exclusivité de son exploitation commerciale.

C’est pourquoi, surtout au XXe siècle avec l’avènement de l’industrie pharmaceutique, les recherches sur la phytothérapie se sont arrêtées pour faire place à des études sur les molécules chimiques, qu’elles soient de synthèse (encore plus rentables) ou issues de la nature.

Un exemple célèbre est ces médicaments contre le cancer issu de l’if (paclitaxel vendu sous le nom de Taxol) ou encore de la pervenche (vincristine vendue sous le nom d’Oncovin). Je ne conteste pas l’intérêt de ces recherches, mais elles ont totalement occulté les recherches sur la phytothérapie. Pire, les lobbys de l’industrie ont passé leur temps à tenter de reléguer la phytothérapie à une pratique non médicale, inutile, voire dangereuse.

Pourtant, j’ai rencontré il y a déjà longtemps un médecin autrichien qui avait fait des travaux sur l’utilité de la pervenche en cancérologie avec des résultats étonnants et sans les effets secondaires de ces molécules puissantes comme la vincristine. Évidemment, ses produits plus naturels n’étaient pas brevetables et ont été rejetés par le monde scientifique. Plus proche de nous, c’est le sort qui a été réservé au Pr Beljanski et ses travaux sur le Pao Pereira, un produit très intéressant issu de l’écorce d’un poirier d’Amérique du Sud.

Dans la première moitié du XXIe siècle, la phytothérapie a quand même su résister grâce à la profession d’Herboriste et les travaux de nombreux médecins qui utilisaient avec bonheur ces plantes au quotidien. Ce fut le cas des Drs Henri LECLERC et Jean VALNET qui nous ont légué des manuels de phytothérapie qui font encore référence.

On aurait pu penser que phytothérapeutes, herboristes et pharmacologues auraient pu travailler ensemble pour glorifier et moderniser l’utilisation des plantes, mais il n’en fut rien. Le poids des lobbys et des profits gigantesques de l’industrie pharmaceutique a pesé bien trop lourd dans la balance.

En même temps qu’il créait l’ordre des médecins et collaborait avec les nazis, le Maréchal Pétain supprimait le diplôme d’herboriste. C’est d’ailleurs pendant la 2e guerre mondiale que l’industrie chimique a pris son essor avec la puissance de Bayer ou Roche (pour ne parler qu’eux) qui en même temps qu’ils fabriquaient des médicaments comme l’aspirine fournissait les nazis pour leurs chambres à gaz (comme le Zyklon B inventé par Bayer) ou leurs armes chimiques.

Pour cette industrie, la phytothérapie était un concurrent à exterminer et encore aujourd’hui, tout est fait pour que cette formidable médecine n’ait plus le droit de cité.

D’ailleurs, la plupart des plantes sont aujourd’hui vendues comme complément alimentaire et non comme « médicament », ce qui est un comble quand on relit l’histoire de la phytothérapie. Beaucoup de choses que je vais vous expliquer concernant l’utilisation actuelle des plantes découlent de cette situation à la fois ubuesque et scandaleuse.

Une législation restrictive

Où en sommes-nous aujourd’hui concernant la phytothérapie ? La demande du grand public et les scandales autour de nombreux médicaments chimiques ont influencé les législateurs pour que les usagers de la santé puissent accéder à certaines plantes.

On a défini ce qu’on appelle les « plantes médicinales », ce sont des drogues végétales qui peuvent être utilisées entières ou sous forme d’une partie de plante et qui possèdent des propriétés médicamenteuses.

Les Plantes médicinales sont inscrites à la Pharmacopée française ou européenne. Nous verrons d’ailleurs que la législation n’est pas uniforme en Europe, ce qui donne lieu à des aberrations dont il vaut mieux rire.

En 2012 est établie la 11e édition de la pharmacopée française publiée au JO fin 2016 . La précédente édition datait de 1983 ! C’est un ouvrage réglementaire qui définit des critères de pureté pour la fabrication des médicaments (à usage humain ou vétérinaire) et des méthodes d’analyses à utiliser pour en assurer le contrôle.

L’ensemble des critères permettant d’assurer un contrôle de la qualité optimale est regroupé et publié sous forme de monographies. Ces textes font autorité pour toute substance ou formule figurant dans la pharmacopée. Ils constituent un référentiel opposable régulièrement mis à jour.

Tout cela part d’un bon sentiment : protéger l’usager et éviter la mauvaise utilisation des plantes ou d’autres substances. Mais la Pharmacopée ne représente en aucune façon une reconnaissance de la phytothérapie et de l’usage médical des plantes. Au contraire.

La pharmacopée française décrit 546 plantes :

  • Une liste A de 416 plantes (dont 148 hors monopole, j’y reviendrai): ce sont les plantes médicinales utilisées « traditionnellement » dont le rapport bénéfice/risque est favorable
  • Une liste B de 130 plantes médicinales dont les effets indésirables potentiels sont supérieurs au bénéfice thérapeutique attendu et qui sont donc interdites de distribution.

La Pharmacopée est le recueil à caractère réglementaire des matières premières autorisées à entrer dans la composition des médicaments. La pharmacopée française décrit donc bien d’autres éléments, y compris des remèdes homéopathiques, mais je ne parlerai ici que des plantes.

A noter qu’en France, deux recueils s’appliquent : la Pharmacopée européenne dont la 8e édition date de 2014 et qui s’applique aux états membres de l’UE et la Pharmacopée française qui comprend des textes et monographies strictement nationaux, non publiés dans la Pharmacopée européenne.

La majorité des plantes sont décrites à travers une MONOGRAPHIE qui permet de définir précisément la plante et son usage. Elle contient ainsi :

  • Le nom de la plante en français et en latin, ce dernier étant essentiel pour ne pas se tromper de plante
  • Sa définition pharmacologique : la partie utilisée et teneur en principe actif (PA)
  • Son identification botanique, chimique
  • Les dosages à utiliser quand ils existent
  • Les conditions de conservation et quelques autres éléments nécessaires à la commercialisation et l’utilisation de ces plantes.

Vous devez savoir que le code de la santé publique précise que les pharmaciens ont le monopole de la vente des plantes médicinales inscrites à la Pharmacopée sous réserve des dérogations établies par décret.

Parmi les plantes de la liste A, 148 ont été « libérée » par un décret de 2008 permettant ainsi leur distribution en dehors de la pharmacie sous la dénomination de complément alimentaire. Toutes les autres plantes sont présentes exclusivement en pharmacie. En réalité, la plupart ne sont ni étudiées ni distribuées, car aucun laboratoire ne s’y intéresse. Elles ne sont pas brevetables et pas assez rentables.

Ce décret a ainsi permis le développement d’une phytothérapie amputée de nombreuses plantes et qui n’a même pas le droit à cette dénomination, car ces 148 plantes ne doivent pas être présentées en fonction de leurs propriétés médicales pourtant étudiées et souvent reconnues. Au mieux, le distributeur peut utiliser certaines « allégations » quand elles sont autorisées comme « participe au bon fonctionnement du foie », mais en aucune manière des phrases du type : permet de soigner tel ou tel symptôme ou maladie.

Si on voit le verre à moitié plein, nous sommes bien contents de pouvoir utiliser librement ces 148 plantes, mais si on regarde le verre à moitié vide, il est évidemment que la phytothérapie est vidée de sa substantifique moelle et reléguée à une démarche plus proche de la diététique que de la thérapeutique. La disparition des herboristes a été pour beaucoup dans cette triste évolution de la première médecine des hommes !

Dans ce dossier, je ne vous parlerai donc que de ces 148 plantes qui nous sont accessibles et bien entendu, je me limiterai aux plus utilisées par les différents thérapeutes qui ont été formés à cette approche.

SITES WEB :

http://www.wikiphyto.org/wiki/Accueil : le site de référence créé par un des meilleurs phytothérapeutes français, Jean-Michel MOREL. Complet et rigoureux, mais sans discours ni vulgarisation. Surtout utiliser par les thérapeutes et les scientifiques

https://www.passeportsante.net/ : il propose des fiches complètes et des informations vulgarisées parfois incomplètes ou exposant des positions discutables. Site en français, mais canadien donc pas toujours adapté aux habitudes ou à la législation française

https://www.doctissimo.fr/ : un site de vulgarisation plutôt très objectif, supervisé par le Dr Gérald Kierzek qui est un médecin très ouvert. Des informations très rigoureuses sur le plan de la législation.

LIVRES :

Phytothérapie – Jean Valnet –  Traitement des maladie par les plantes. Paru en 1986 ce fut ma bible pendant des années. Les livres de Jean Valnet restent des références et phyto-aromathérapie

Traité pratique de phytothérapie – Jean-Michel Morel – Sortie en septembre 2008 c’est devenu la référence de ce début de 21e siècle pour la phytothérapie. Pas très pratique pour le grand public il est surtout utilisé par les thérapeutes.

Ma bible de la phytothérapie  Sophie Lacoste – La série de livres « ma bible de … » éditée par Leduc sont des ouvrages très pratiques pour le grand public ou le thérapeute débutant

Phytothérapie – Le livre de référence pour se soigner au naturel – De abcès à zona – Dr Joel Liagre. Paru en juillet 2021 c’est un des plus récents parmi les livres de référence en phytothérapie. Pratique car classé par pathologie. Par un médecin d’expérience.

Mes mille ordonnances de phytothérapie – Caroline Gayet – un autre livre très complet classé par pathologie.

Plantes médicinales – Phytothérapie clinique intégrative et endobiogénie – Jean-Claude Lapraz – Alain Carillon – Jean-Christophe Charrié. Le Dr Lapraz, un des mes maitres en phytothérapie, a développé une approche particulière de la phytothérapie appelée « endobiogénie ». Surtout réservée aux thérapeutes d’expérience

Pour aller plus loin, reportez-vous aux fiches :