La Phytothérapie
PARTIE 2 :
DES PLANTES ET DES HOMMES
Sommaire :
Qui sont les phytothérapeutes ?
Beaucoup de personnes se disent phytothérapeutes et encore plus utilisent et prescrivent des plantes, mais après quelles formations ?
Il existe plusieurs diplômes universitaires de phytothérapie en France, mais ils sont assez différents et parfois bien incomplets.
Le meilleur était sans aucun doute le diplôme dispensé à la faculté de médecine de Bobigny sous l’impulsion du regretté Pr Pierre Cornillot, grand doyen de cette faculté et sous la direction de mon amie le Dr Bérengère ARNAL. J’ai eu le plaisir et l’honneur d’enseigner avec elle à l’époque, mais malheureusement, cette formation n’existe plus.
Aujourd’hui, les formations officielles de phytothérapie sont surtout organisées par les facultés de pharmacie et dispensées la plupart du temps sur 1 an. Je participe aux enseignements des facultés de Montpellier et de Besançon qui sont de très bonne qualité. Je suis aussi un des enseignants d’un diplôme universitaire de phytothérapie à la faculté de Grenoble qui se fait essentiellement en distanciel.
Si ces formations sont excellentes, on y croise peu de médecins au final, surtout des pharmaciens, et elles se font en 1 an ce qui est vraiment un peu court. Quelques autres facultés proposent des formations du même type, dont certaines sont supervisées par des laboratoires qui vendent des plantes, et qui sont donc parfois un peu partielles ou partiales.
Mais dans tous les cas, si la formation officielle de phytothérapie est si peu professionnelle c’est parce qu’il n’y a pas d’argent pour les favoriser et surtout parce que le diplôme n’est pas reconnu et donc sans intérêt réel. N’importe qui peut se dire phytothérapeute même si ce titre devrait être réservé aux seuls médecins. Beaucoup de soignants dans le domaine naturel se disent simplement « spécialisés » en phyto ou bien ne mentionne même pas cette approche puisque le grand public considère qu’un naturopathe connait et utilise naturellement les plantes.
Oui, mais voilà, les formations et les connaissances sont vraiment très variables et aléatoires. Certains ne suivent qu’une petite formation organisée par un laboratoire. Je ne vais pas cracher dans la soupe, car j’enseigne moi-même dans ces formations financées par des distributeurs de plantes. Sans eux, la phytothérapie n’existerait même plus aujourd’hui donc mon propos n’est pas de les critiquer ou de leur faire des reproches.
Mais je regrette qu’une formation complète et officielle ne soit pas organisée en France. Tout ceci est lié à la situation administrative particulière des plantes que j’ai expliquée dans le précédent chapitre et au fait que la phytothérapie ferait bien trop d’ombre à l’industrie pharmaceutique si elle était mieux promue.
Alors il faut se contenter de ce que l’on a, et je dis toujours aux jeunes thérapeutes de faire plusieurs formations afin de croiser ensuite les informations et se faire sa propre idée sur la place de la phytothérapie dans notre arsenal thérapeutique.
Car cette médecine par les plantes ne peut plus et ne doit plus être « exclusive » aujourd’hui. Pas question de soigner uniquement pas les plantes. Ce serait réducteur et même un peu absurde.
Nous sommes à l’ère de la médecine globale et intégrative. La phytothérapie doit être incluse dans cette approche multiple qui associe la nutrition, l’homéopathie, la nutrithérapie et même l’allopathie sans oublier l’acupuncture, l’ostéopathie ou la sophrologie. Et cette liste n’est pas exhaustive évidemment.
On doit également citer l’aromathérapie qui est une branche de la phytothérapie dont je ne parlerai pas du tout dans ce dossier puisque je lui avais réservé un dossier spécial il y a quelque temps.
Alors mon rêve n’est pas tant qu’un diplôme de phytothérapie plus sérieux soit mis en place, mais plutôt que la phytothérapie fasse partie intégrante des études médicales pour définir à la fois sa place, ses indications, des précautions d’emploi et son articulation avec les autres thérapeutiques.
Ce n’est malheureusement pas près d’arriver dans les facultés de médecine française, mais on espère bien que cela soit mis en place dans des formations post universitaires plus globales et complètes que ce qui existe aujourd’hui.
Il n’y a aucune raison qu’on ne puisse le faire puisque des centaines de milliers d’études existent sur les plantes et la phytothérapie. On sait donc très bien comment utiliser la plupart des plantes. Reste à le faire savoir et à produire des remèdes de qualité.
Un marché mal réparti !
Le marché des plantes est bien plus important que vous ne pouvez l’imaginer. Selon la revue l’Economiste, en 2012, le marché mondial des plantes aromatiques et médicinales était estimé à environ 64 milliards de dollars. Plus de 35 000 plantes sont utilisées dans des industries comme la pharmacie, la phytothérapie, l’herboristerie, l’hygiène…etc. Ces plantes utilisées principalement à des fins thérapeutiques, aromatiques et/ou culinaires entrent également en tant que composants dans la fabrication de cosmétiques, de médicaments, d’aliments naturels et autres produits de santé naturels.
En France on parle de la filière PPAM pour « Plantes à Parfum, Aromatiques et Médicinales ». En 2018 on recensait 5287 producteurs pour 53 237 ha cultivés.
Mais ces chiffres énormes cachent une grande disparité. Ainsi les plantes à parfum représentent les premières surfaces du secteur (29 640 ha) avec 2 espèces ultradominantes : le lavandin et la lavande (25 620 ha).
Les plantes aromatiques sont également très présentes avec 5146 ha cultivés pour un nombre de producteurs de 1 171. Les principales espèces étant le persil, la coriandre, le thym, le fenouil et la menthe.
Les plantes médicinales sont cultivées sur 18 451 ha en 2018 pour un nombre de producteurs de 453 avec une croissance forte d’environ 16 % depuis 2014. C’est ce secteur des plantes médicinales qui comprend le plus grand nombre d’espèces (plus de 50 espèces sont identifiées dans la PAC 2018 dont pavot, camomille, chardon-Marie, mélisse…).
Mais sur le plan financier, la phytothérapie reste le petit poucet de cette « industrie ».
Quand la cosmétiques naturelle représente 757 millions € de chiffre d’affaires et le marché des arômes 543 millions €, la phytothérapiques arrive seulement à 26,2 millions € alors que le marché des compléments alimentaires 1,92 milliard € !
Vous comprenez que la phytothérapie n’a pas beaucoup de moyens pour se faire connaitre.
On trouve parfois d’autres chiffres plus impressionnants. Ainsi un rapport de 2020 évoquait un marché mondial de la phytothérapie de 120,7 milliards de dollars en 2018. Sauf que ces experts financiers ne connaissent rien à la phytothérapie et incluent aussi bien l’homéo (Weleda) que les compléments alimentaires (Arkopharma). Dans ces chiffres sont inclus le marché asiatique qui utilise beaucoup de plantes comme le ginseng et les plantes de la médecine traditionnelle chinoise . D’ailleurs, la moitié des distributeurs cités dans ce rapport sont asiatiques.
Nous sommes malheureusement très loin de ces chiffres en France comme je l’ai exposé plus haut et la phytothérapie en tant que véritable médecine de soin est en train de disparaitre.
Pour autant, tous les rapports nous disent que les populations cherchent de plus en plus à s’orienter vers des soins plus naturels et avec moins d’effets secondaires. À ce titre, la phytothérapie, incluse dans une médecine globale et intégrative, a un très bel avenir et je veux être optimiste sur le renouveau de cette approche ancestrale.