La dioxine et les PCB –
Des polluants persistants inquiétants
Pourquoi associer ces 2 polluants très différents dans une même fiche ? Car ils ont une particularité commune : on a pris conscience de leur grand danger et on a pris des mesures pour les réduire ou les interdire.
Malheureusement, au moment où le législateur a enfin pris ses responsabilités, le mal était fait et ces molécules étaient déjà présentes dans les sols et les eaux et continuent à polluer et à tuer sournoisement.
Les dioxines appartiennent à la famille chimique des hydrocarbures aromatiques polycycliques chlorés ou HAPC comprenant plus de 200 molécules identifiées. Une des plus tristement célèbres est l’agent orange utilisé pendant la guerre du Vietnam. Un autre cas dramatique est représenté par l’explosion de l’usine de Seveso en 1976.
Les dioxines sont des substances qui résultent essentiellement de procédés industriels : incinérateurs de déchets, fonderie, métallurgie, sidérurgie, blanchiment de la pâte à papier, fabrication d’herbicides et de pesticides
La nocivité de la dioxine pour les êtres vivants, humains ou animaux, s’exprime à doses infinitésimales. Expérimentalement, en laboratoire, la dose mortelle pour des rongeurs se mesure en microgrammes, soit en millionièmes de gramme (10-6 g) par kilogramme de poids corporel et des doses mesurées en nanogrammes (milliardièmes de gramme, 10-9 g) peuvent entraîner fausses couches, naissances prématurées et monstruosités. L’exposition à long terme à la dioxine provoque des cancers.
Les dioxines se retrouvent dans tous les milieux de l’environnement (air, sol, eau, sédiments) et sont susceptibles de contaminer les plantes et les animaux. La source principale de contamination chez l’homme est alimentaire surtout dans les aliments riches en graisses tels que poissons, crustacés, lait et produits laitiers, œufs.
Aujourd’hui, la principale source de dioxine – qui sont les incinérateurs – a été prise en compte par une loi de 2002 et, en France, ces usines sont maintenant équipées de filtres qui évitent la dissémination de cette molécule. Nous ne sommes pas sûrs que ce soit la même chose dans tous les pays du monde ! Cette décision a été prise, car il avait été montré une augmentation importante de risque de cancers (poumon, lymphome non hodgkinien et sarcome des tissus mous) chez les riverains d’incinérateurs d’ancienne génération.
L’autre problème avec les dioxines c’est leur stabilité chimique qui leur donne une faible biodégradabilité et donc une très longue durée de vie. Elles font partie des POP (Polluants Organiques Persistants). C’est pourquoi on trouve encore de la dioxine dans des aliments produits actuellement, même parfois dans du « bio » suivant où ils sont fabriqués.
Les PCB, ou Polychlorobiphényles, sont aussi des polluants organiques persistants (POP). Ils sont lipophiles, ce qui signifie qu’ils se stockent dans nos adipocytes (nos réserves de graisse) et ceux des animaux.
En France, ils sont interdits depuis 1987. Ils se trouvaient en particulier dans les transformateurs et condensateurs électriques et dans certains produits de consommation courante. Un des plus connus était appelé le Pyralène fabriqué encore une fois par …. Monsanto !!
Apparus dans les années 50, ils ont rapidement montré leur nocivité pour l’environnement et pour l’homme. On sait depuis longtemps que les PCB favorisent le développement de cancers et affectent le système immunitaire. Ils sont également mis en cause dans certains troubles de la reproduction. D’où leur interdiction. Il aurait été préférable de s’en rendre compte avant d’autoriser leur utilisation à grande échelle. Oui, mais voilà, il n’existe ni législation ni obligation pour les industriels !
D’ailleurs des transformateurs de ce type ont persisté, car leur utilisation a été autorisée jusqu’en 2010 !! D’autres ont été simplement abandonnés dans la nature sans être dépollués. Certains se sont même retrouvés dans les rivières. Il resterait aujourd’hui en France 500 000 appareils encore à décontaminer !
Beaucoup pensaient que les PCB allaient « disparaitre » tous seuls. « Il y a eu un véritable laxisme à l’époque, le problème a été pris à la légère », commente Audrey Roggeman, chargée de mission Eau à la FRAPNA (Fédération régionale de protection de la nature). Oui, mais voilà, non solubles dans l’eau, ils se concentrent dans les sols et sédiments fluviaux et s’accumulent dans l’ensemble de la chaîne alimentaire. Aujourd’hui, les PCB sont omniprésents dans l’environnement et l’alimentation.
L’ASEF a décidé en 2008 de faire une étude sur la présence de PCB dans l’organisme humain en fonction de leur consommation de poissons de rivière (1) . Et les résultats ont été impressionnants pour ne pas dire inquiétants. Cette étude a concerné 21 femmes et 31 hommes, soit 52 personnes volontaires. Ils ont divisé cette population en 3 groupes, en prenant en compte deux facteurs que sont le lieu de vie et l’origine du poisson consommé.
Les personnes qui vivent au bord du Rhône et mangent du poisson (principalement du fleuve) au moins une fois par semaine ont un taux de PCB de 69.9 picogrammes par gramme de matière grasse. Ceux qui en mangent 2 fois par semaine passent à 93.13 picogrammes. Ceux qui vivent près du fleuve, mais mangent peu de poissons ont des taux de 28.03 picogrammes de PCB par gramme de matière grasse.
Un groupe contrôle de personnes qui ne vivent pas près du Rhône et ne consomment pas de poisson avaient un taux de 16.83 picogrammes de PCB par gramme de matière grasse. Les grands mangeurs de poisson qui vivent autour du Rhône (fleuve particulièrement pollué en PCB) et de son estuaire (ou delta) ont donc des taux de PCB plus de 4 fois supérieurs au groupe témoin !
On voit donc que conseiller à la population de manger du poisson 3 fois par semaine peut avoir des effets néfastes inattendus si on ne prend pas garde à la qualité et à l’origine de ce poisson !
Quelle solution : comme expliqué dans les différentes fiches de ce menu « environnement », le bio n’est pas toujours une solution parfaite, car certains sols sont pollués. C’est surtout vrai pour les PCB. Pour ces derniers il faut aussi se méfier des poissons de certaines rivières comme le Rhône.
L’Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa) a actualisé la connaissance sur les taux de PCB et dioxine présents dans les denrées alimentaires et les aliments pour animaux. Les résultats de ce dernier rapport publié en juillet 2012 sont encourageants et révèlent une baisse de l’exposition alimentaire à ces molécules toxiques pour la période 2008-2010 par rapport à 2002-2004, « d’au moins 16% et allant jusqu’à 79 % pour la population générale ».
Une diminution similaire est constatée chez les enfants. Le rapport de l’Efsa recommande néanmoins une surveillance ciblée des denrées alimentaires les plus concernées c’est-à-dire le poisson, la viande et les produits laitiers.
L’interdiction des toxiques comme le PCB ou des lois contraignantes pour les industriels concernant la dioxine ont donc bien des effets positifs sur l’intoxication de la population même si ces mesures sont intervenues bien tardivement. Mais combien de victimes avant que ces précautions de bon sens soient effectives ?
Nous avons aussi notre responsabilité individuelle sur la production de dioxine. Ainsi, les émissions des gaz d’échappement des moteurs diesel et essence sont également une source de dioxines, sachant que l’essence plombée produisait 20 fois plus de dioxines que l’essence sans plomb. Là aussi on a fait de gros progrès, mais on peut sans aucun doute faire mieux encore.
Moins connue, sachez que la combustion non contrôlée du bois provoque la formation de dioxines se fixant sur des particules de très petite taille. Cette exposition est d’autant plus importante qu’elle se concentre à l’intérieur des habitations, espaces confinés et peu aérés. Attention en particulier aux cheminées à foyers ouverts et fonctionnant mal. Et pensez à aérer vos maisons !
Le brûlage des déchets verts est une combustion peu performante qui émet des imbrûlés en particulier si les végétaux sont humides. Les particules formées dans ce contexte sont porteuses de composés cancérigènes, comme les Hydrocarbures Aromatiques Polycycliques (HAP), dioxines et furanes.
Une étude réalisée dans les Alpes-Maritimes, en 2008-2009, pour caractériser les particules, montre que le brûlage des déchets verts constitue une source épisodique aggravante. Les brûlages de déchets verts peuvent représenter jusqu’à 45 % des particules dans l’air. (AirPACA www.airpaca.org)
Alors, jardiniers amateurs, prenez en compte toutes ces notions afin de participer à la réduction des émissions de dioxine. Par exemple, attendez que les déchets soient bien secs pour les bruler.
Pour les PCB, il faut se méfier des poissons de grands fleuves et préférer – quand vous pouvez en avoir – des poissons de rivière de montagne beaucoup moins pollués en PCB. L’agence de sécurité sanitaire conseille même de réduire la consommation de poisson chez les femmes enceintes dont le fœtus est particulièrement sensible à ces toxiques. Ce qui est d’autant plus dommage que le fœtus a absolument besoin d’oméga-3 pour fabriquer son cerveau et son système nerveux !
Attention aussi aux produits de la mer élevés ou pêchés dans les estuaires des grands fleuves. Ainsi des taux de contaminations 15 fois supérieurs à la moyenne nationale du littoral ont été trouvés dans des huîtres de l’estuaire de la Seine en 2002 !
Et que dire de la région de Fos-sur-Mer où les aliments sont contaminés aussi bien par la dioxine, les PCB, le benzène, le Plomb ou le Cadmium qu’on retrouve aussi bien dans la viande de taureau que les moules ?
Il est donc nécessaire de se renseigner sur les aliments que vous consommez en fonction de votre région et de vos habitudes diététiques.
Mais si nous avons voulu vous exposer ces risques, c’est aussi pour illustrer les erreurs du passé où des décisions législatives sont arrivées bien tard face à des produits dont la toxicité a été vite démontrée.
C’est pourquoi tous les défenseurs de l’environnement appellent de leurs vœux une prise en compte bien plus rapide pour des produits encore autorisés comme le glyphosate qui est certainement l’arbre qui cache la forêt.
Le chlordécone est un autre exemple de cet aveuglement et de ce retard dans la prise de conscience des risques. Cette substance chimique est un composé synthétique chloré, utilisé dans la fabrication de produits phytosanitaires (pesticides). Il est extrêmement persistant et non biodégradable. Il a été interdit dans de nombreux pays, mais a été fortement utilisé dans les Antilles françaises jusqu’en 1993, en particulier dans les plantations de bananiers. Malgré son interdiction en 1990, ce produit a bénéficié de dérogations pendant 3 ans et on le trouve malheureusement en grande quantité dans les sols et les milieux aquatiques du fait de sa non-biodégradabilité. Or, les personnes exposées de manière chronique à cette molécule ont été victimes de nombreux problèmes neurologiques, de dommages hépatiques et d’infertilité.
Le chlordécone a également été classé cancérogène possible par le CIRC (agence de recherche sur le cancer de l’OMS) et un lien a été établi entre l’exposition au chlordécone et le risque de cancer de la prostate (2). En 2012, le World Cancer Research Fund International indique que le taux d’incidence de ce cancer aux Antilles françaises est le plus élevé du monde (presque deux fois le taux du 2e pays sur la liste). Il existe également une surincidence statistiquement significative du myélome multiple dans les zones où le chlordécone a été le plus utilisé.
On estime que 1250 tonnes de chlordécone ont été épandues avant l’interdiction définitive en 1993. Et comme ce pesticide est aussi un POP, la disparition de la pollution est estimée à 7000 ans !
Des rapports parlementaires ont fini par conclure : « le ministère de l’Agriculture n’a pas correctement traité les signaux scientifiques sur les dangers de la pollution et de l’exposition du Chlordécone ». « Il y a eu un retard dans la prise de conscience et l’action » insiste William Dab, président du Conseil scientifique du Plan Chlordécone en Martinique et en Guadeloupe (3).
En 2022, le tribunal administratif de Paris a estimé que l’Etat avait commis une faute en maintenant la commercialisation de cet insecticide, hautement cancérigène et polluant, dans les Antilles après son interdiction dans l’Hexagone.
L’état est fautif, mais qui est le technocrate et/ou le politique qui a commis cette faute précisément ? Et sous la pression de quels lobbies ? Comme toujours, l’état – c’est-à-dire nous – va dédommager les victimes, mais les vrais coupables ne sont pas pointés du doigt et continuent à exercer dans l’administration française sans jamais être inquiétés.
D’ailleurs, des plaintes contre d’anciens ministres, déposées par plusieurs associations, ont été déclarées irrecevables par la Cour de justice de la République en janvier 2022.
On aimerait que de telles situations ne se reproduisent plus, mais le « feuilleton glyphosate » nous rend plutôt pessimistes sur les capacités de nos dirigeants à tirer un enseignement des erreurs du passé ! Surtout s’ils ne sont jamais inquiétés à titre personnel par la suite !
1 – http://www.asef-asso.fr/notre-sante/mon-alimentation/notre-enquete-sur-les-pcb-2008/
2 – Multigner L, Ndong JR, Giusti A, Romana M, Delacroix-Maillard H, Cordier S, Jégou B, Thome JP, Blanchet P. Chlordecone exposure and risk of prostate cancer. J Clin Oncol Off J Am Soc Clin Oncol 2010; 28:3457–3462.
3 – « Le Monde » août 2010 – https://www.lemonde.fr/planete/article/2010/06/22/aux-antilles-le-scandale-sanitaire-du-chlordecone_1376700_3244.html
Ces conseils n’ont pas vocation à remplacer une consultation médicale. Ils peuvent vous aider à mieux dialoguer avec votre médecin afin de faciliter le diagnostic et les choix thérapeutiques.
Ils peuvent éventuellement vous permettre d’attendre le rendez-vous avec votre médecin si les délais sont un peu longs.