La Flore Intestinale ou Microbiote - Partie 4

Impact de l’alimentation sur la flore – 1ère partie

Notre flore est très sensible à l’environnement et à tout ce qu’on peut ingurgiter. Des précautions diététiques sont à mettre en place si on veut protéger notre microbiote et éviter qu’il soit perturbé et qu’en retour, il soit source de pathologies.

L’alimentation va jouer un rôle majeur sur l’équilibre du microbiote. Les liens entre alimentation et flore sont très complexes et encore mal compris pour certains. Voici un résumé un peu simplifié pour tenter de vous éclairer. Reportez vous aussi aux fiches de prise en charge pratique : Soigner sa flore – Partie 1 et Partie 2

Les prébiotiques, des « fibres » mal comprises

Les prébiotiques sont une forme de « fibres » que nos enzymes digestifs sont incapables de digérer. Ils vont donc atteindre le côlon sans être transformés par nos sucs digestifs. Ils sont formés en grande partie de molécules de glucides. C’est pourquoi on parle aussi d’oligosaccharides ou polysaccharides, mais ces termes sont également utilisés pour des aliments comme le riz ou les pommes de terre donc ils portent parfois à confusion.

On parle aussi de FOS ou « Fructo-Oligo-Saccharides » qui font partie de la grande famille des FODMAPs. Reportez-vous à la fiche sur les FODMAPs pour en savoir plus.

Pour le moment, utilisons le terme « prébiotiques » pour mieux comprendre leur rôle sur le microbiote. Ce nom évoque le fait que ces fibres vont favoriser le développement de la flore. En effet, si nos enzymes ne sont pas capables de les digérer, celles des bactéries intestinales le sont parfaitement. Ces prébiotiques vont donc « nourrir » notre flore et l’aider à se développer. 

A priori, les prébiotiques sont donc des aliments importants pour notre microbiote et donc notre santé, mais nous allons voir que ce n’est pas si simple.

Beaucoup d’études montrent un effet positif des prébiotiques sur la santé. Ils favorisent le développement d’un microbiote plus équilibré et favorisent tous les effets santé de notre flore que nous détaillerons dans d’autres fiches sur le microbiote. Ils ont un rôle favorable sur notre immunité, sur notre équilibre nutritionnel et même sur notre cerveau.

Où trouve-t-on des prébiotiques ?

Dans la plupart des aliments végétaux et en particulier, les salades comme la chicorée, les légumes racines comme les topinambours, des « condiments » comme l’ail ou l’oignon, des légumes comme l’artichaut, les asperges, les poireaux ou les salsifis, les légumes secs comme les lentilles, mais aussi dans les céréales complètes même si ce sont des fibres un peu différentes.

Il existe aussi des compléments alimentaires qui permettent d’augmenter la consommation de prébiotiques. 

Si vous observez bien ces listes d’aliments, vous constaterez que ce sont aussi ceux qui occasionnent le plus de flatulences, de ballonnements. Et nous arrivons au principal problème des prébiotiques : ils sont parfois très mal tolérés et sources de troubles digestifs très handicapants.

Dommage collatéral...

En effets, les « fibres » alimentaires ont 2 défauts. 

  • Si ce sont des fibres « dures » comme le son de blé ou d’autres fibres totalement indigestibles comme on en trouve dans les céréales complètes, elles vont irriter l’intestin de façon « mécanique » par un effet un peu « abrasif » entrainant de la colite. Les colopathes n’ont pas intérêt à consommer du pain complet ou des céréales complètes. Ces fibres ont très peu d’effet probiotique.
  • Si ce sont des fibres « prébiotiques » comme les FODMAPs, elles vont favoriser la croissance de notre flore colique par un phénomène essentiellement de fermentation, mais aussi de putréfaction intestinale entraînant la production de gaz plus ou moins malodorants et potentiellement des douleurs liées au météorisme (ballonnement, dilatation du tube digestif) et à l’inflammation secondaire de la muqueuse intestinale (colite)

Si les prébiotiques sont importants pour ne pas dire indispensables à un microbiote équilibré et donc à une meilleure santé, beaucoup de personnes doivent en consommer en quantité limitée pour ne pas aller vers la colopathie.

Cela veut dire également qu’il est quasi obligatoire d’accepter quelques flatulences qui sont le reflet du développement de notre flore à condition que cela reste modéré et surtout que les éventuels gaz soient totalement malodorants. En effet, les gaz « simples » sans odeur sont plutôt le reflet du développement normal de notre flore, mais les gaz malodorants sont plus souvent un symptôme d’une flore déséquilibrée, avec plus de putréfaction, entraînant un risque de colite, mais aussi d’autres conséquences sur la santé comme l’encrassement par des toxines provenant du tube digestif.

Ces différences au niveau des gaz sont liées à l’existence dans l’intestin de 2 types de flores bactériennes : une flore de fermentation et une flore de putréfaction. Le maintien de l’équilibre entre les deux est essentiel au confort intestinal et donc à la santé. Cela veut dire aussi que ces 2 types de flores existeront toujours dans notre intestin. On ne peut pas les faire disparaître. Il faut donc les nourrir de façon équilibrée et adaptée en évitant que la flore de putréfaction ne prenne le dessus.

L’importance des gaz et flatulences dépend également de facteurs personnels qui vont de la génétique à la dysbiose en passant par la prise de certains médicaments comme les antibiotiques (mais ce ne sont pas les seuls).

La fermentation intestinale : un atout santé

La flore de fermentation est présente en particulier au niveau du côlon droit jusqu’au côlon transverse et est essentiellement composée de bactéries lactiques et bifidobactéries. Elle assure la fermentation des glucides complexes (amidon, pain, pommes de terre, riz …) et des fibres prébiotiques.

Cette fermentation est à l’origine de la libération de gaz carbonique qui, en excès, donnent ballonnements et flatulences puis gaz non malodorants (le gaz carbonique n’a pas d’odeur). La fermentation a d’autres conséquences comme la production de différents acides d’où un pH acide du contenu de cette partie du côlon. Ne croyez pas que ces acides sont agressifs. Ce sont en particulier des acides gras essentiels à notre santé, dont le butyrate (ou acide butyrique) qui joue un rôle important pour la qualité de notre muqueuse intestinale (mais pas seulement).

La fermentation est donc un phénomène obligatoire et je dirai même indispensable à notre santé. Il faut juste qu’elle ne soit pas excessive et cela dépend de l’équilibre de notre microbiote et de la quantité de glucides et de prébiotiques consommés. 

Normalement, seuls les glucides complexes devraient arriver dans le colon. Les glucides simples (ceux qui ont le goût de sucre) sont censés être absorbés bien plus tôt dans le tube digestif. Mais une consommation excessive de sucres, même simples, va avoir des conséquences multiples :

  • Une fermentation excessive
  • Des flatulences avec gaz non malodorants
  • Un terrain acide même si tous les acides produits ne sont pas néfastes.

Nous le reverrons, une consommation raisonnable et raisonnée de glucides est essentielle à une flore équilibrée et un meilleur confort intestinal. Surtout que les sucres en excès vont aussi favoriser le développement d’une flore fongique en excès et donc des risques de candidose ou autres mycoses pouvant toucher différents organes et pas seulement l’intestin.

Souvent, on montre du doigt la fermentation qui est source de troubles digestifs. Mais cette flore de fermentation reste indispensable à notre santé. Elle empêche le développement de mauvaises bactéries dans l’intestin et d’une flore sous-dominante en excès. Elle va aussi limiter le développement de la flore de putréfaction qui a bien plus d’effets négatifs sur notre santé.

C’est peut-être pour cela qu’on utilise l’expression populaire « je pète la forme ! ».

On évitera juste que la flore de fermentation devienne trop présente en agissant sur l’alimentation et, si nécessaire, sur des traitements que nous exposerons dans les fiches de prise en charge : Soigner sa flore – Partie 1 et Partie 2

À noter que cette flore de fermentation peut aussi se développer dans l’intestin grêle, c’est-à-dire avant le côlon, avec les mêmes conséquences de troubles digestifs avec météorisme et flatulences. On parle dans ce cas-là de SIBO ou « Small Intestinal Bacterial Overgrowth ». Reportez vous à la fiche sur le SIBO

À noter qu’une flore de fermentation déficitaire va aussi favoriser les constipations même si cette pathologie a bien d’autres causes.

La flore de putréfaction : gare à l’excès

La flore de putréfaction est surtout présente au niveau du côlon gauche et provient plus particulièrement de la digestion des protéines (surtout animales).

Cette putréfaction est un phénomène qui n’a aucun avantage santé particulier contrairement à la fermentation. Elle entraîne les mêmes phénomènes de flatulences, mais avec des gaz malodorants. En effet, la putréfaction entraîne la synthèse par la flore du même nom, de molécules aux noms barbares (putrescines, cadavérines…) qui nous montrent bien qu’elles ne doivent pas être très favorables. On les appelle aussi les « polyamines ». 

Si la flore de fermentation entraîne la production de molécules utiles dont certaines sont même anticancérigènes, les polyamines en excès, elles, sont pro-cancérigènes.

Les conséquences de la putréfaction sont donc surtout néfastes, allant des gaz malodorants à l’augmentation du risque de cancer en passant par des douleurs de colite et diverses pathologies en lien avec cette dysbiose et ses conséquences sur notre muqueuse colique. Elle va aussi favoriser des lourdeurs digestives, des reflux et même une mauvaise haleine avec langue chargée même si la putréfaction touche la partie la plus distale du tube digestif.

Il est donc important de comprendre les causes de la « dysbiose de putréfaction » qui sont surtout :

  • l’excès de protéines animales (mais aussi, indirectement, de graisses animales) ;
  • l’insuffisance de fibres végétales réduisant de fait la flore de fermentation qui permet de limiter la flore de putréfaction ;
  • un terrain trop acide ;
  • une mauvaise digestion pancréatique ;
  • le recours répétitif aux antibiotiques.

Inversement, pour limiter la putréfaction, on pourra :

  • éviter la consommation excessive de viande, surtout le soir, principale responsable des putréfactions intestinales ;
  • réduire la consommation abusive de sucre blanc qui entraîne un terrain acide et déséquilibre la flore de fermentation ;
  • bien mastiquer pour mieux digérer les protéines en commençant les processus de digestion enzymatique et aider l’action ultérieure du pancréas ;
  • avoir une meilleure consommation de sucres lents et de fibres végétales prébiotiques pour favoriser une bonne flore de fermentation ;
  • alléger le repas du soir, ce qui soulage l’activité nocturne de détoxification du foie, et permet une élimination plus efficace de la surcharge toxinique.

À côté de ces règles diététiques, on pourra envisager des traitements qui seront détaillés dans les fiches sur la prise en charge : Soigner sa flore – Partie 1 et Partie 2

Pour aller plus loin, reportez-vous au dossier complet :