La médecine intégrative

Partie 2 - Comment la médecine intégrative est-elle pratiquée en France et à l’international ?

La pratique de la médecine intégrative en France

Encore trop peu pratiquée

En France, la médecine intégrative est pratiquée principalement dans des contextes spécialisés, comme l’oncologie, la gestion de la douleur ou les maladies chroniques. La médecine générale est pourtant, à mon sens, la première pratique qui devrait être intégrative, mais elle n’est pas enseignée dans ce sens. Elle est avant tout la réponse à UN symptôme par la prescription d’UN médicament. À tel point qu’au moment où j’écris ces lignes, a lieu un grand débat en France où on envisage d’exiger que le patient consulte son médecin généraliste pour UN SEUL SYMPTÔME.

Comme si l’être humain, le malade, devait être restreint à 1 simple symptôme alors qu’on sait bien que ce dernier est souvent la petite partie émergée d’un problème sous-jacent bien plus complexe.

Il n’y a rien de pire pour moi que d‘imaginer qu’un patient qui consulte pour un symptôme comme une douleur se verra prescrire un simple remède pour « effacer » ce symptôme, annihilant par la même les capacités de l’organisme à exprimer sa souffrance, dont l’origine est souvent plus profonde.

Évidemment, les généralistes sont parfaitement formés pour repérer une maladie grave derrière un symptôme pouvant paraître anodin. Mais les situations que nous rencontrons sont souvent bien plus complexes que cela.

Si un patient décrit une hématurie (sang dans les urines), tous les médecins savent qu’il faudra rechercher un cancer de la vessie ou du rein, même si, dans la plupart des cas il s’agira d’une simple infection ou d’un calcul pour évoquer les principales causes. 

Mais, même dans un cas aussi « simple », une vision plus globale, intégrative, pourrait permettre de mieux appréhender la situation et éviter des examens couteux. Sauf qu’aujourd’hui, le médecin doit se couvrir de toute part et multiplie les scanners et autres bilans pour être absolument certain de ne pas passer à côté de « quelque chose d’autre ». Ça part d’un bon sentiment, mais l’approche clinique avec une vision intégrative n’est plus privilégiée et le trou de la sécu se creuse inexorablement.

Mais ce n’est pas le plus ennuyeux pour moi. En effet, c’est surtout quand le symptôme peut être lié à de très nombreuses causes que l’absence de vision intégrative est la plus dommageable.

Prenons l’exemple de la douleur abdominale. Il faut connaître la gastro-entérologie pour éliminer un cancer du côlon ou la gynécologie pour éliminer une grossesse extra-utérine ou encore la cardiologie pour penser à un anévrysme de l’aorte. Toutes ces causes sont à la fois des urgences thérapeutiques, mais aussi des causes extrêmement rares.

Dans la majorité des cas on finira par poser un diagnostic de « colopathie » ou de côlon irritable. Et que fera le médecin généraliste qui ne s’est pas ouvert à une médecine plus « globale » : rien ou pas grand-chose. Il prescrira un antispasmodique et, quand le patient sera revenu se plaindre 3 ou 4 fois de la même douleur, il finira par lui donner un anxiolytique en disant : « c’est dans la tête ».

C’est vrai, ça peut être dans la tête et, dans ce cas là, l’anxiolytique est la pire des solutions. Il faut, avant tout, avoir connaissance de l’histoire de vie du patient. Et ça, ça demande du temps en consultation. La médecine générale à 30€ la consultation ne le permet pas. Et puis, il faut avoir été formé aux différentes approches de psychothérapie, de TCC (thérapie cognitivo-comportementale), avoir des notions d’EMDR, de sophrologie et j’en passe pour déterminer AVEC le patient, quelle serait la meilleure piste pour lui.

Il faut connaître la médecine fonctionnelle et proposer des bilans plus approfondis prenant en compte ses hormones, sa flore, ses neuromédiateurs pour traiter SON déséquilibre spécifique.

Il faut être ouvert à l’homéopathie, à l’acupuncture, à l’ostéopathie pour orienter ce patient qui souffre vers SA solution la plus adaptée face à ce symptôme aussi banal que fréquent : « j’ai mal au ventre » !

Un exemple vaut mieux que mille mots

Je vais vous raconter l’histoire de Valérie. Elle me consulte pour des cystites à répétition qui l’ennuient depuis plus de 2 ans. Elle fait au moins 6 cystites par an. Elle a vu 2 médecins généralistes, 2 urologues, sa gynécologue, mais rien n’y fait et on a fini par lui proposer des antibiotiques au long cours qu’elle supporte mal.

Elle me consulte parce qu’elle n’a pas essayé l’homéopathie et espère y trouver une solution.

Et c’est vrai que l’homéopathie marche bien dans ces cystites à répétition. Je lui donne donc un traitement comme je l’ai fait des centaines de fois avec de bons résultats. Au bout de 4 mois, rien n’a changé !! Alors, je fais ce que j’aurais dû faire dès la 1ère consultation et je reprends son histoire pour mieux comprendre les cystites à répétition de Valérie qui sont forcément différentes des autres.

Et j’apprends que tout a commencé suite à un accident de voiture où elle a eu un coup du lapin. On lui a mis une minerve pendant 2 mois. Et les cystites ont commencé à cette époque. On pourrait croire que la cause est psychique. Heureusement, j’ai aussi côtoyé beaucoup d’ostéopathes et je sais qu’un blocage cervical peut entrainer un blocage du bassin. Et je sais qu’un tel « blocage » peut favoriser des cystites.

Et bingo ! 2 séances d’ostéopathie plus tard et mon traitement homéopathie faisait enfin effet et Valérie n’a plus eu de cystite à répétition. Évidemment, je lui ai prescrit un traitement préventif tous les étés pendant 3 ans, le temps que son organisme se rééquilibre parfaitement et récupère après ces multiples cures d’antibiotiques dont elle n’a plus eu besoin !

Voilà un bon exemple de médecine intégrative qui nécessite évidemment des connaissances plus étendues que celles qu’on apprend en faculté de médecine et une condition absolue ; ne pas être dans le rejet de toutes ces approches que certains appellent « non conventionnelles » et que moi j’appelle COMPLÉMENTAIRES et parfaitement scientifiques si on veut bien retirer ses œillères.

Malheureusement, trop peu de médecins généralistes se forment à la médecine intégrative et prennent le temps de l’appliquer dans leur cabinet. Mais je dois dire que ça progresse, lentement mais surement, car un certain nombre de jeunes médecins se posent de vraies bonnes questions sur leur exercice et le sens qu’ils veulent donner à leur métier.

Qu'en est-il en pratique ?

Pour l’heure il est difficile d’obtenir des chiffres précis sur le nombre de médecins pratiquant cette approche, car elle n’est pas reconnue comme une spécialité officielle par l’Ordre des médecins. Selon une estimation basée sur les travaux du CUMIC et des centres hospitaliers, environ 5 à 10 % des médecins généralistes et spécialistes intègrent des pratiques complémentaires dans leur exercice, notamment l’acupuncture (reconnue officiellement pour les médecins et sages-femmes) et l’homéopathie. Vous voyez que c’est vraiment très peu. 

Surtout qu’être homéopathe déclaré ne veut pas dire qu’on fait de la médecine intégrative. Il y a de « purs » homéopathes comme il y a de purs allopathes. Ce n’est évidemment pas une critique, car chacune de ces approches est respectable. Mais elles ont leurs limites si elles sont pratiquées de façon exclusive, même si j’ai des amis et confrères qui sont de formidables homéopathes unicistes avec d’excellents résultats thérapeutiques.

En 2019, le Groupe Hospitalier Saint-Vincent de Strasbourg a ouvert avec la collaboration de mon ami le Dr Jean-Lionel BAGOT, une unité de soins intégratifs. Il est surement à ce jour le meilleur homéopathe spécialisé dans les soins de support en oncologie et fait un travail formidable dans ce centre. Fort de son expérience, il a créé une société savante, la SHISSO pour Société Homéopathique Internationale de Soins de Support en Oncologie qui cherche à publier des travaux de qualité dans ce domaine.

Je suis admiratif de son travail, mais la médecine intégrative peut aller plus loin et ne pas se limiter à l’homéopathie ou à l’acupuncture. Le centre ressource d’Aix-en-Provence créé par le Dr Jean-Loup Mouysset tente d’appliquer une vision plus globale avec des soins alliant phytothérapie, micronutrition, homéopathie, acupuncture, mais aussi des soins du corps et une approche psychocomportementale.

À Paris, l’Institut Rafaël dirigé par le Dr Toledano fait aussi un travail remarquable, ce qui témoigne d’une adoption croissante de ces approches globales centrées sur le patient. Mais elles sont souvent limitées au domaine de l’oncologie intégrative, ce qui est surement dommage, car il existe bien d’autres affections chroniques qui pourraient bénéficier d’une telle approche : les maladies auto-immunes, la sclérose en plaque, la maladie d’Alzheimer ou encore la fibromyalgie pour ne citer que quelques exemples.

Les médecins intégratifs sont parfois formés via des diplômes universitaires (DU) ou interuniversitaires (DIU), comme ceux en acupuncture ou en médecine manuelle-ostéopathie, proposés dans plusieurs facultés françaises. Cependant, l’absence d’un cadre réglementaire clair et les nombreuses formations proposées hors des circuits universitaires limitent le recensement exact des praticiens, mais aussi leur reconnaissance.

Pourtant, les meilleures formations en homéopathie ne sont pas celles délivrées dans les rares facultés qui osent encore le mentionner depuis le déremboursement de cette pratique et la chasse aux sorcières que subissent les médecins homéopathes en France depuis des années.

De la même façon, la véritable acupuncture traditionnelle avec toute sa composante énergétique et sa vision globale comme elle se pratique en Asie est souvent enseignée loin des facultés de médecine où on exige plus de « science » et où « l’art » n’a pas sa place.

Et que dire de la micronutrition, de la médecine fonctionnelle, de la phyto-aromathérapie absentes du cursus de base du médecin généraliste ? Elles sont parfois enseignées dans des facultés de médecine comme formation « complémentaire », mais force est de constater qu’il y a bien plus de pharmaciens que de médecins qui les suivent !

Tout ça pour dire que, si une personne me demande une adresse de médecin pratiquant la médecine intégrative, je suis bien ennuyé pour lui répondre ! Le SYNAMIEF ou le SHISSO que j’ai cités plus haut sont des pistes pour trouver de tels thérapeutes. Mais rien ne remplace le bouche-à-oreille aujourd’hui, surtout que, comme vous l’imaginez, ces médecins ont des agendas plus que surchargés !

On peut souhaiter que cette approche intégrative soit mieux reconnue dans les années à venir et qu’elle soit enseignée à la faculté de médecine, au moins pour les médecins généralistes qui ont besoin d’avoir cette vision globale de la maladie, mais surtout du patient.

Je crains qu’on en soit encore très loin et c’est pourquoi on trouve encore difficilement de tels thérapeutes qui maitrisent suffisamment d’approches thérapeutiques. Ça ne veut pas dire que tous les médecins pratiquant cette approche intégrative doivent maitriser toutes les thérapeutiques. Ce serait utopique de le penser. Certains seront plutôt homéopathe, d’autres acupuncteurs quand d’autres encore pratiqueront, surtout la phyto-aromathérapie. Par contre, tous ont intérêt à avoir des notions de micronutrition et de médecine fonctionnelle qui est une des bases, à mon sens, de cette approche holistique. Et surtout, il sera important qu’ils connaissent les autres approches et leurs indications pour orienter le patient vers des thérapeutes adaptés, comme un ostéopathe, un podologue, un psychologue ou encore un réflexologue plantaire, par exemple.

La médecine intégrative nécessite un véritable réseau de thérapeutes complémentaires afin d’aider au mieux le patient face à ses questions et sa souffrance. C’est pourquoi se montent en France des centres de médecine intégrative afin d’avoir toutes ces approches thérapeutiques « sous la main ». Mais même dans ces centres, il ne peut y avoir la présence de l’ensemble des soins nécessaire.

Dans cette prise en charge globale, il ne faudra pas non plus oublier, l’éducation thérapeutique, la « formation » du patient à la prévention, afin que chacun devienne réellement acteur de sa santé et puisse choisir, avec son médecin, les meilleures pistes de soins pour son cas personnel, toujours unique.

Évidemment, cette approche n’est pas destinée à soigner une entorse ou une angine. Encore que ! C’est surtout dans le domaine des maladies chroniques et de la prévention des maladies graves que la médecine intégrative trouvera toutes ses lettres de noblesse et montrera toute sa puissance.

Encore très mal et trop peu reconnue

Comme je l’ai dit plus haut, si la médecine fonctionnelle et la médecine intégrative commencent à être reconnues en tant que pratique par les médecins, elles ne sont absolument pas enseignées à la faculté de médecine et sont même critiquées, voire rejetées par nombre de médecins.

La médecine intégrative suscite en effet beaucoup de débats en France (et même dans d’autres pays – voir plus bas), notamment en raison de l’utilisation de nombreuses pratiques non conventionnelles. 

En effet, certains centres « officiels » de médecine intégrative ne proposent que certaines approches « reconnues », comme la psychothérapie, la diététique ou la gymnastique. Ces centres sont tout sauf des lieux de médecine intégrative telle je la décris dans ce dossier et comme elle est pratiquée ailleurs.

Mais il faut dire que beaucoup de pratiques complémentaires qui s’intègrent parfaitement dans la médecine intégrative (voir la liste dans un prochain chapitre) sont totalement rejetées par nos instances officielles.

Ces instances, comme le Conseil National de l’Ordre des Médecins, adoptent une position prudente. Si des disciplines comme l’acupuncture et l’ostéopathie sont reconnues lorsqu’elles sont pratiquées par des médecins ou sages-femmes diplômés, d’autres, comme l’homéopathie, sont très controversées. 

Vous savez qu’en 2019, la Haute Autorité de Santé (HAS) a recommandé le déremboursement de l’homéopathie, arguant d’un manque de preuves scientifiques solides, ce qui a ravivé les critiques contre toutes les approches « complémentaires ». On dénonce même le risque de dérives sectaires ou de retard de traitement en cas de substitution aux soins « conventionnels ». Pourtant, on parle ici d’une médecine pratiquée depuis 3 siècles et qui a été longtemps remboursée par l’assurance maladie. On se demande bien quels lobbies sont derrière de telles positions.

Et que dire de la réflexologie plantaire ou même l’utilisation de nombreux compléments alimentaires ? Sans parler des bilans de terrain absolument pas reconnus ni enseignés. 

Pire, si une approche de soin est pratiquée par un non-médecin, alors elle n’a absolument pas le droit de cité en médecine intégrative, puisque le terme médecine DOIT être réservé aux médecins. C’est une vision particulièrement étroite du soin, mais c’est ainsi.

C’est aussi la raison pour laquelle on parlera parfois de santé intégrative (voir plus loin).

Heureusement, d’autres organisations, comme le CUMIC plaident pour une reconnaissance structurée, avec des formations universitaires et des évaluations scientifiques rigoureuses pour sécuriser ces pratiques. 

Évidemment, ils ne sont pas très ouverts à des pratiques un peu « ésotériques », mais il faut y voir un peu d’espoir malgré tout.

De plus, la demande croissante des patients (près d’un Français sur deux utilise des thérapies complémentaires, selon certaines études) et le soutien inattendu de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) poussent les autorités à envisager une meilleure intégration. En 2024, une question parlementaire au Sénat a interrogé le gouvernement sur la nécessité d’une stratégie nationale pour encadrer et promouvoir la médecine intégrative, signe d’un débat en cours. Mais que donnera-t-il dans les années à venir ? Pour le moment je ne suis pas très optimiste, c’est pourquoi je pense que c’est au citoyen, à l’usager de la santé de se saisir de ces questions, d’en débattre dans des associations et de faire pression sur le gouvernement en exprimant clairement ses demandes et ses attentes.

La solution viendra de la base, car il y a trop d’intérêts financiers en jeu pour que ça bouge rapidement dans les hautes sphères de l’état et des agences de santé ainsi que dans les institutions médicales et scientifiques, y compris dans la formation de nos futurs médecins.

C’est aussi aux associations de créer leurs propres structures de santé intégratives. Nous y reviendrons.

Perspectives et défis

La médecine intégrative représente une réponse aux limites de la médecine conventionnelle, souvent perçue comme trop centrée sur les symptômes et les actes techniques. En mettant l’accent sur la prévention, la personnalisation et la relation thérapeutique, elle répond à une demande sociétale pour une médecine plus humaine. 

Toutefois, son développement en France se heurte à plusieurs défis : le manque de financement pour la recherche, l’absence de reconnaissance officielle comme spécialité, et la nécessité de former davantage de professionnels pour éviter les dérives. 

Les centres hospitaliers et universitaires, comme ceux de Nantes, Strasbourg ou Bordeaux, semblent s’investir honnêtement dans l’évaluation et la promotion de ces pratiques. Mais cela reste des expériences très limitées, non seulement sur le plan géographique, mais aussi dans la diversité des techniques de soin utilisées.

La médecine intégrative, née aux États-Unis dans les années 1990, propose une approche prometteuse pour une prise en charge globale des patients, mais, bien que soutenue par une demande croissante et quelques initiatives académiques, elle reste largement contestée par le monde universitaire (ont-ils peur d’une certaine concurrence ou que leur hégémonie soit remise en question ?) et certaines instances officielles largement influencées par différents lobbies. Ces opposants appellent toujours à davantage de rigueur scientifique, ne voyant le soin que par le petit bout de la lorgnette, que par une médecine chimique qui s’invente sur la paillasse des laboratoires, dans des tubes à essai et rarement dans la vraie vie. Surtout, à ce jour, la médecine « officielle » reste centrée sur la maladie et rarement sur le malade. 

L’avenir de la médecine intégrative dépendra donc de sa capacité à faire changer les paradigmes, à lutter contre les ego et les influences des fonds de pension afin de pouvoir s’intégrer dans le système de santé.

Sinon, elle restera une « autre voie » de soin mal reconnue et mal prise en charge par l’assurance maladie, ce qu’elle est actuellement !

Et dans les autres pays ?

La médecine intégrative connaît des niveaux de reconnaissance et de pratique très variables dans les autres pays « occidentaux ». Je n’ai pas voulu inclure dans ce chapitre les pratiques en Asie ou en Afrique, en particulier, où la culture et les systèmes de santé sont très éloignés de nos pratiques.

Pays où la médecine intégrative est reconnue et pratiquée

Dans plusieurs pays la médecine intégrative, ou certaines de ses composantes (médecines complémentaires ou alternatives) sont reconnues, parfois réglementées, et intégrées dans les systèmes de santé, avec des variations dans leur statut légal et leur intégration.

  • Les États-Unis :

Puisqu’elle y a été “inventée”, la médecine intégrative y est plutôt bien établie, notamment grâce à des institutions comme la Duke University et l’Academic Collaborative for Integrative Health, qui regroupe environ 82 centres affiliés à des hôpitaux ou des facultés de médecine. 

Elle est pratiquée sous trois formes : concertations pluridisciplinaires, soins mixtes par un praticien, ou en soins primaires. Les praticiens incluent des médecins, des massothérapeutes, des acupuncteurs, et des instructeurs de méditation. La médecine intégrative est considérée comme une sous-spécialité, bien qu’elle ne soit pas systématiquement intégrée dans tout le système de santé.

  • Le Royaume-Uni :

Les pratiques complémentaires y sont reconnues dans une certaine mesure, notamment l’ostéopathie et la chiropraxie qui viennent historiquement des pays anglo-saxons et sont réglementées par l’Osteopaths Act (1993) et le Chiropractors Act (1994). 

Ces lois offrent un cadre légal pour protéger les praticiens compétents et les patients. Le National Health Service (NHS) intègre parfois des thérapies complémentaires, comme l’acupuncture, dans des services hospitaliers, notamment en oncologie. 

Mais la médecine intégrative ne peut pas se limiter à ces approches, aussi bonnes soient-elles. Au Royaume-Uni, sa reconnaissance reste donc limitée et axée sur des pratiques spécifiques plutôt qu’une approche intégrative globale.

  • L’Allemagne :

L’Allemagne est surement un des pays européens où la médecine intégrative est la plus reconnue et pratiquée. Les thérapies complémentaires, comme l’homéopathie, la phytothérapie, et la médecine traditionnelle chinoise, sont souvent intégrées dans les soins. Certaines de ces pratiques sont même remboursées par les assurances maladie, mais le système n’est pas centralisé, comme en France. Elle reconnait aussi les « Heilpraktiker», les naturopathes allemands qui doivent faire un cursus de formation très sérieux et complet et obtiennent ainsi un diplôme qui leur permet de pratiquer officiellement. Quel rêve quand on voit qu’en France, les médecins diplômés de la faculté et ayant un diplôme complémentaire en homéopathie sont pratiquement considérés comme des charlatans ! Et chez nous, les naturopathes sont considérés comme quantité négligeable dans notre système de soin alors qu’ils rendent d’énormes services à leurs « patients. Mais il est vrai qu’en France, les diplômes sont de qualité très variable et mal encadrés par la législation.

L’Allemagne participe également au réseau international de standardisation des médicaments à base de plantes, ce qui montre un engagement dans la reconnaissance et la réglementation.

  • La Suisse :

La Suisse a expérimenté l’intégration de certaines pratiques complémentaires (homéopathie, thérapie neurale, phytothérapie, médecine anthroposophique, médecine traditionnelle chinoise) dans l’assurance maladie obligatoire entre 1999 et 2005, mais cet essai a été arrêté en 2005, car ces pratiques n’ont pas démontré une efficacité suffisante selon les critères de la loi sur l’assurance maladie (LAMal). 

Cependant, même si le « remboursement » de ces soins non conventionnels a été suspendu (pour des raisons qu’il faudrait certainement éclaircir), certaines pratiques, comme l’ostéopathie et l’acupuncture continuent d’être pratiquées et parfois remboursées dans des cadres privés. 

La Suisse a toujours été un pays à part, mais, pendant longtemps, elle a été très ouverte à une approche intégrative du soin. Son évolution récente parait moins encourageante, mais elle reste loin devant la France et l’homéopathie y est parfaitement reconnue.

  • L’Italie et le Portugal :

Ces pays sont également impliqués dans la standardisation des médicaments à base de plantes et soutiennent certaines pratiques complémentaires. En Italie, l’acupuncture et l’homéopathie sont pratiquées, souvent par des médecins formés, et il existe un intérêt croissant pour une approche intégrative, bien que moins structurée qu’en Allemagne.

  • Le Canada :

Le Canada intègre des pratiques complémentaires dans certains services de santé, notamment en oncologie, où des outils comme l’acupuncture ou les thérapies psycho-corporelles sont proposés. La médecine intégrative est moins formalisée et développée qu’aux États-Unis, mais des initiatives existent, notamment dans les provinces comme l’Ontario.

Pays où la médecine intégrative est rejetée ou interdite

Aucun pays n’interdit explicitement la médecine intégrative dans son ensemble, car elle englobe un large éventail de pratiques, certaines étant mieux acceptées que d’autres. Cependant, certaines pratiques spécifiques sont rejetées ou strictement encadrées en raison de l’absence, dit-on, de preuves scientifiques suffisantes ou encore de risques potentiels, comme les dérives sectaires, la critique qui est régulièrement faite en France dès qu’on ose prendre en charge un individu dans sa globalité au lieu de le soigner organe par organe ! Ces préoccupations liées aux dérives sectaires ou charlatanesques sont largement exprimées par les ennemis de la médecine intégrative qui exigent une surveillance accrue des pratiques non conventionnelles, ce qui peut freiner leur reconnaissance tout en faisant peur aux praticiens concernés.

En dehors de la notre beau pays dont j’ai déjà largement parlé, les pays les plus réfractaires à la médecine intégrative sont :

  • Les Pays-Bas :

Aux Pays-Bas, la loi BIG wet (1993) autorise en principe la pratique médicale par des non-médecins, mais énumère des actes réservés exclusivement aux professionnels de santé qualifiés. Cela limite l’exercice de certaines pratiques non conventionnelles par des praticiens non formés, sans pour autant les interdire totalement. Les thérapies complémentaires sont tolérées, mais peu intégrées dans le système de santé publique.

  • L’Irlande :

En Irlande, toute personne non qualifiée peut pratiquer des thérapies complémentaires, à condition de ne pas se présenter comme médecin. Cependant, l’absence de cadre légal clair entraîne un manque de protection pour les patients et les praticiens, ce qui peut limiter l’intégration de la médecine intégrative dans le système de santé formel.

  • Les autres pays européens :

Dans des pays comme la Suède, la Norvège, ou le Danemark, les pratiques non conventionnelles sont souvent tolérées, mais peu réglementées. Ces pays privilégient la médecine fondée sur les preuves et peuvent restreindre l’accès à certaines thérapies non validées scientifiquement dans les systèmes de santé publics. Par exemple, en Suède, l’homéopathie est marginalisée en raison de l’absence de preuves d’efficacité.

 

Globalement, la France est encore en tête des pays qui critiquent ou rejettent les pratiques de soin « non conventionnelles » et refuse une reconnaissance pleine et entière d’une médecine véritablement intégrative centrée sur le patient, même si quelques progrès se font sentir.

Dans les pays anglo-saxons (États-Unis, Royaume-Uni, Canada), la médecine intégrative bénéficie d’une meilleure acceptation, notamment grâce à une approche pragmatique qui intègre des thérapies complémentaires dans des contextes cliniques spécifiques. En Europe, l’Allemagne et la Suisse sont en avance sur l’intégration, tandis que les pays nordiques adoptent une position plus sceptique, assez similaire à ce que nous vivons en France.

Ce qu'il faut retenir

  • En France, la médecine intégrative progresse lentement, freinée par un manque de reconnaissance institutionnelle, une absence de formation universitaire et une méfiance persistante envers les pratiques complémentaires. Pourtant, les patients expriment une demande croissante pour une médecine plus humaine, préventive et globale.
  • À l’international, plusieurs pays — comme l’Allemagne, les États-Unis ou la Suisse — montrent qu’il est possible d’intégrer efficacement les thérapies complémentaires au système de santé, tout en assurant un cadre rigoureux et scientifique.

L’avenir de la médecine intégrative dépendra de la capacité des soignants, institutions et citoyens à repenser la santé dans sa globalité, au-delà des symptômes, pour replacer l’humain au cœur du soin.

Pour aller plus loin

Ces conseils n’ont pas vocation à remplacer une consultation médicale. Ils peuvent vous aider à mieux dialoguer avec votre médecin afin de faciliter le diagnostic et les choix thérapeutiques.

 Ils peuvent éventuellement vous permettre d’attendre le rendez-vous avec votre médecin si les délais sont un peu longs.